On commence
par une mauvaise nouvelle, 48 heures avant la course, mon père remarque que ma
selle est fendue en deux, je pensais qu'il y avait juste une petite écorchure
mais c'était bien plus grave, obligé donc de changer la selle la veille du
départ.
C'est la
course la plus dure de la saison; Elle part de Tarascon-sur-Ariège pour se
terminer à Auzat. Mon père m'accompagne à la course, on doit partir à 4 heures 15
du matin, mais nous sommes tous deux réveillés à 3 heures du matin, donc après
un petit déjeuner nocturne, nous voilà lancés sur la route, pour le moment en
voiture sur cette longue ligne droite qui nous mène à Tarascon. Nous y arrivons
à 6h30 et je remarque que sur les sommets entourant la ville que la brume est
encore un peu présente, contrairement à ce qu'annoncée la météo; par contre la
température est déjà assez bonne.
Je partirais
dans le sas prioritaire, j'en ai en effet fait la demande.
Je laisse
donc mon père à la voiture et me dirige, à 7h30, vers le départ, cette courte
distance va me servir d'échauffement, avec une belle bosse, bien que courte, et
une descente sur une petite route à flan de montagne, magnifique. Cependant, je
ne peux pas rentrer dans mon sas, en effet, nous devons attendre que les
participants de la Grande Ariegeoise (167 kilomètres) partent. Nous y rentrons
donc à 8 heures et quelques. Ceci pour une attente d'environ une demi heure,
notre départ étant pour 8 heures 30.
Je croise
certaines connaissances et vais partir aux côtés d'un autre gars de Lavaur et à
côté de Clément, ce qui nous permet d'échanger avant le départ. Je suis également aux côtés d'un autre pote que je croise
sur les courses UFOLEP, ça me fait donc bien plaisir de courir avec des
personnes que je connais et apprécie, même si nous n'avons pas le même niveau.
Quel est mon
objectif d'ailleurs? J'avais annoncé il y a plus d'un mois un top 100, mais
après l'échec du Tour du Tarn Sud je ne me fixe plus grand chose. Allez, être
dans les 10% de la cyclo serait pas mal, après avoir fait 53ème sur 543 à la
Castraise et 20ème sur 261 à la Marion Clignet, ça serait bien de continuer
dans ce sens, donc objectif 285ème. N'ayant pas fait de haute montagne
(seulement de la moyenne dans la montagne noire) je pars quand même dans
l'inconnu.
Et voilà le
départ est donné, et ça va plus vite que je ne l'aurais cru. Tout le monde veut
être devant, ça frotte, c'est dangereux, et un coureur chute. Pour ma part je
reste vers la 60/70ème place, préférant la sécurité. Toutefois, après quelques
kilomètres, je me trouve étrangement bas sur le vélo. Est ce seulement une
impression? Pourtant celle ci est tenace. Nous entamons la première ascension
de la journée, rien de comparable avec ce qui nous attend, elle fait 400
mètres, mais à 10% environ, je remonte dans les 40 premiers à cette occasion
mais je me rend compte à présent que je suis vraiment bas, profitant d'un
moment plus tranquille, je jette un regard à ma selle et drame, elle est un peu
orienté vers la droite, ça veut dire qu'elle est un peu desserrée. Nous avons
alors parcouru 8 kilomètres, et je comprends que ça ne va pas bien se passer.
Sachant que mon père m'attend à Biers (kilomètre 60), je me dis un temps que
c'est possible de rouler comme ça jusqu'à là bas, même si il y a un col, mais
très vite, je comprends, alors que la selle est de plus en plus basse, que ça
ne sera pas possible...
C'est à
Foix, au 18ème kilomètre, que la mort dans l'âme, je m'arrête, heureusement mon
père m'a passé une clé juste avant la course, je perds 2 minutes 30 et surtout
le bon groupe, ceux dont il faut suivre les roues. Puisqu'il n'y a eu que du
plat depuis le début, des centaines de cyclistes me dépassent... Je repars
enfin, pour me rendre compte que je n'ai pas assez remonté la selle. 1,5
kilomètre plus loin je m'arrête encore, je perds un peu moins de temps
(pratiquement 2 minutes) et cette fois je repars pour de bon, j'ai bien sur
réglé la selle à l'œil, mais je juge que ça passe. On verra après la course que
j'étais tout le long 2 centimètres trop bas, ce qui a une incidence sur mes
performances.
Nous sommes
dans les faux plats menant au véritable pied du col de Péguère, celui ci fait
17,4 kilomètres à 5% il me fait un peu penser au col de Dourgne ou Sorèze, en
deux fois plus long tout de même et avec un passage très dur vers le milieu, on
est quasiment en permanence entourés de forêts.
Je suis donc
à présent très très loin de la tête de course. Je roule fort pour remonter des
groupes entiers de coureurs, je reprendrais pratiquement une minute sur les
premiers alors que nous abordons donc le pied du col. Vu là où je suis, j'opte
pour le choix de monter le col sans me mettre dans le rouge, ça ne sert à rien
de risquer d'exploser pour "rien".
Ce début de
col est donc assez ''facile" pour moi, de plus, étant bien loin de là où
je devrais me trouver, à l'exception d'une dizaine de coureurs, je suis celui
qui monte le plus vite, et je vais dans ces premiers kilomètres de col doubler
des dizaines et des dizaines de coureurs. Les pelotons quasiment compacts
explosent, il y a des cyclistes presque partout, à peine en ais je doublé un
que me voilà dans la roue d'un autre etc.
Cependant,
faire le "jump" de groupe en groupe fatigue, et alors que nous
rentrons dans la brume et la bruine, je souffre, encore plus dans le passage
dur, on y voit pas à 20 mètres et ne sachant pas ce qui m'attend, je baisse
vraiment de rythme. Alors que nous arrivons proche du sommet, je me suis trouvé
un groupe que je vais lâcher bien involontairement sur les coteaux (si on peut
appeler ça comme ça) qui suivent le sommet. Ils me reprendront peu avant le
premier ravitaillement. Là, mon groupe qui doit être d'une quinzaine de
coureurs, se sépare complètement. Certains s'arrêtent au ravitaillement,
d'autres qui étaient sur le grand parcours et que nous avons rattrapé dans le
col partent sur leur parcours qui se sépare du notre et enfin les premiers
mètres de descente font des écarts.
La descente
parlons en, on descend le col de la crouzette, une horreur à monter, j'avais en
2004 mis pied à terre tellement les pourcentages étaient durs. Je suis
sur les freins, ça descend trop fort, certains me dépassent, j'en dépasse
certains, sur de telles pentes, on ne peut que descendre à son rythme.
Malheureusement, une descente pareille ne nous permet pas de récupérer.
A la fin de
la descente, me voilà dans la roue d'un coureur alors que j'arrive à Biers, et
je m'arrête à hauteur de mon père en lui expliquant mon problème qui est la
raison que je sois si loin. Désabusé, je m'arrête pour pisser alors qu'il
regarde rapidement la selle, j'en profite pour prendre deux bidons pleins. Je
lui demande des nouvelles de mes potes, le seul qu'il ai vu était Clément qui à ce moment
là est passé 21ème. Je perds encore 1 minute 30 dans cette affaire et me refais dépasser
par 40 coureurs. Au moment où j'arrivais à Biers, mon père avait compté que
j'étais 320ème. Donc je repars aux alentours de la 360ème place.
Le deuxième
col s'enchaine immédiatement après la descente, sans répits, il s'agit du col
de Saraille, annoncé de 5,2 kilomètres à 6%, données trompeuses, très
irrégulier, il offre des pentes terribles entrecoupées de quasi plat. Je le
monte tranquillement, je dois dépasser 5 coureurs et 5 coureurs me passent,
statut quo.
Lors de ce
col on traverse un village hors du temps, les vieux sur le perron de la porte
en train de regarder l'événement. Je n'en ai pas parlé jusque là, mais il y a
du public, par grappes, avec banderoles et panneaux pour encourager le club,
l'ami, le père qui court, ou tout simplement pour encourager, à Biers, il y
avait une bande de jeunes déguisés tout ça dans un esprit bon enfant. Donc ce
village, hors du temps, on se croirait à 1950, avec le Tour de France qui passe
devant chez eux, je pense à un vieux monsieur qui regardait passer les coureurs
en train d'allumer sa porte, sur la petite route montante traversant le
village.
En haut nous
entamons une descente en deux parties. La première, pleine de gravillons, on a
été prévenus au départ, on est donc prudents, la seconde, beaucoup plus
technique et avec une route propre. Je fais parler mes talents de descendeur et
dépasse une quinzaine de coureurs, ce qui me permet de me retrouver dans un
groupe pour la transition de 9 kilomètres qui va nous amener au gros morceau de
la journée. Je relais dans mon groupe et on revient sur un autre, on est une
vingtaine, j’essaie autant que faire ce peut de récupérer à l'arrière. Pas
facile, la route monte, peu, mais assez pour continuer à nous fatiguer.
Nous
arrivons donc à Aulus-les-bains pied du col d'Agnès, un col connu du Tour de
France, et il n'a rien à voir avec les autres. Il fait 10 kilomètres à plus de
8%. Sur une route sans virage, avec un paysage banal où on a
l'impression de ne pas avancer. Le reste est très dur, je vous ai mis le profil
du col en pièce jointe.
Mais
revenons à la course, comme d'un seul homme tout mon groupe s'arrête au
ravitaillement au pied du col, pour ma part, je ne remplis qu'un bidon et je
repars... Avec le groupe qui nous suivait, composé majoritairement de coureurs
(dont une femme) que j'ai pour la plupart passés dans la descente. Dès les
premiers mètres, ça explose de partout, la pente est très très dure, si nous
avions la brume et la bruine dans Péguère, là c'est un soleil qui provoque une
forte chaleur. J'ouvre le maillot en grand, enlève mes gants, tout est bon pour
un peu moins de chaleur.
Un coureur
va me passer très rapidement dans l'ascension, il monte beaucoup plus vite que
tout le monde. Moi, comme tout le monde, je suis planté, j'avance pas, les
autres non plus d'ailleurs. Ces deux premiers kilomètres, ils vont durer
quasiment 15 minutes, en plus sans virage, l'impression d'être arrêtés est
décuplée. Au loin, on voit des coureurs, j'ai l'impression qu'ils ne sont pas
loin, mais en fait, ils sont facilement 3-4 et même 5 minutes devant. C'est une
vraie bataille mentale pour ne pas poser pied à terre, je regrette de ne pas
avoir écouté mon père qui voulait que j'ai un braquet de 34x28 et de n'avoir
que le 34x25; heureusement après ces deux kilomètres je trouve mon rythme sur
des pentes un poil plus douces... ou plutôt moins dures.
Et alors là,
je ne comprends pas, car je n'avance pas bien vite, mais ça va être un festival,
je vais remonter sur les 8 kilomètres d'ascension qu'il reste une centaine de
coureurs. Aucun ne tiendra ma roue, aucun ne me dépassera, ça motive, et petit
à petit je remonte, remonte remonte.
Dans la
montée, on croise spectateurs et bénévoles, deux tiennent des tuyaux pour nous
arroser, un autre propose un gobelet d'eau, d'autres encouragent, c'est génial.
Je rattrape à 3,5 kilomètres du sommet un pote, en perdition, après lui avoir
proposé à manger, je continu ma route. Pas longtemps, je remplis un dernier
bidon à trois kilomètres du sommet, ça sera mon dernier arrêt (30 secondes de
perdues à nouveau). L'avant dernier kilomètre, dans la brume, fait mal, il est
aussi dur que les deux premiers, mes mollets sont proches d'exploser mais voilà
la descente, le plus dur est passé.
La descente
est top malgré le vent. Grande route, pentue mais pas trop, je me régale et
dépasse encore quelques coureurs, le paysage, plongeant sur l'étang de Lers,
est somptueux, et immédiatement nous commençons l'ascension du Port de Lers; 4
kilomètres 6%, j'entame fort, surmotivé par l'ascension précédente, mais après
98 kilomètres, les jambes me font comprendre que ça va aller moins vite. Au
pied un spectateur me dit que je suis 240ème. Mais voilà, le Port de Lhers est
terrible dans le sens qu'il est surtout fait d'une très longue courbe, de 2,5
kilomètres, et en bas, on voit au loin, en haut, les concurrents précédents,
lorsqu'on se dit qu'il va falloir monter jusque là, pffff coup au moral.
Dans ce col
je me fais reprendre à 2 kilomètres du sommet par le premier de l'Arigeoise
Grand Parcours, je l'encourage et il me remercie, il monte vite mais pas non
plus à un point inimaginable.
Mais à 1,2
kilomètres du sommet, j'explose complètement, je pense que je prends une
fringale, je me suis bien alimenté mais le petit déjeuner était à 3 heures du
matin... Il y a 9 heures maintenant... Je me fais dépasser par plusieurs
participants, le deuxième et le troisième du grand parcours me déposent eux
aussi. Je bénis le sommet lorsque je passe. Je fais la descente sans prendre de
risques, doublant quelques coureurs qui me repassent sur les deux derniers
kilomètres de plat, je termine avec trois autres coureurs. 244ème, mais au
classement, je passe au 262ème rang, étant parti dans le sas prioritaire, je
suis passé sur la ligne de départ avant ceux d'après, et mes arrêts ne sont pas
comptés, toutefois, je réussis malgré tous ces problèmes à faire dans les 10%,
satisfait donc.
Au final, il
y a forcément la déception de ne pas avoir pu défendre mes chances en
m'arrêtant si vite et si longtemps et d'avoir perdu des forces en remontant les
groupes. Mais en contrepartie, je me suis fait plaisir à remonter des dizaines,
des centaines de coureurs dans Péguère et Agnès. De plus, l'organisation, les
bénévoles et les spectateurs au top font que cette journée est sans doute mon
meilleur souvenir depuis que j'ai commencé le vélo, qu'est ce que j'ai souffert
(cf photos) mais qu'est ce que j'ai pris mon pied!
Je conseille
à tous les cyclistes de participer au moins une fois à cette épreuve.